Situé au nord-est de la Tanzanie, près de la frontière avec le Kenya, le Kilimandjaro est le point culminant du continent africain avec ses 5 895 mètres d’altitude. Ce volcan endormi, formé par trois cônes principaux – le Shira, le Mawenzi et le Kibo – est un véritable monument naturel. Le sommet du Kibo, appelé Uhuru Peak, est le point le plus élevé et l’objectif des alpinistes venus du monde entier.
Contrairement à d’autres sommets de haute altitude, l’ascension du Kilimandjaro ne nécessite pas de compétences techniques particulières. C’est donc une aventure accessible aux randonneurs en bonne condition physique, bien que le manque d’oxygène en altitude puisse représenter un défi. Plusieurs itinéraires existent, dont les plus populaires sont la Machame, la Marangu et la Lemosho. Chaque voie offre des paysages variés : forêts tropicales, landes alpines, déserts d’altitude et neiges éternelles.
Le Kilimandjaro est également un symbole écologique. Sa calotte glaciaire, qui a largement fondu ces dernières décennies, illustre de façon visible les effets du changement climatique. De nombreuses études alertent sur la disparition totale des glaciers d’ici quelques années si les tendances actuelles persistent.
Classé parc national et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Kilimandjaro est un trésor naturel et culturel. Il attire des milliers de visiteurs chaque année, contribuant à l’économie locale, notamment grâce aux guides, porteurs et cuisiniers sans lesquels l’ascension ne serait pas possible.
Mythique, majestueux et fragile, le Kilimandjaro est bien plus qu’une montagne : c’est un symbole de défi, de beauté et d’urgence écologique. Gravir ses pentes, c’est marcher sur le toit de l’Afrique et toucher du doigt l’immensité de la nature.
”Rien ne peut égaler l’émotion de se tenir sur le toit de l’Afrique, là où la terre touche le ciel.
Hans MeyerPremier Européen à avoir atteint le sommet du Kilimandjaro en 1889
Sept jours. C’est le temps qu’il m’aura fallu pour atteindre le sommet du Kilimandjaro, ce colosse d’Afrique dont le seul nom résonne comme une promesse d’absolu. Sept jours d’effort, de silence intérieur, d’échanges, de beauté brute et de respect profond pour ceux qui rendent ce rêve possible.
J’étais seul — seul du côté des randonneurs, du moins. Autour de moi, une équipe précieuse et discrète : deux guides expérimentés, un cuisinier au sourire toujours prêt, et quatre porteurs infatigables. Sept hommes pour m’aider à gravir cette montagne mythique. Je n’étais pas seul. J’étais porté, au sens propre comme au figuré.
Le premier jour, nous avons pénétré dans la forêt primaire. L’air était moite, saturé de parfums de terre et de végétation. Des blue monkeys ont traversé notre sentier dans un fracas de feuilles, nous observant brièvement depuis les branches avant de disparaître dans le vert profond. Je me suis senti minuscule, accueilli dans un monde qui n’était pas le mien.
Dès les premiers pas, j’ai été frappé par l’allure des porteurs. Tandis que je m’économisais avec mes bâtons, eux portaient — parfois sur le dos, souvent sur la tête — des charges dépassant largement les 20 kg réglementaires. Des tentes, des bidons d’eau, des sacs de vivres. Et pourtant, ils marchaient vite, toujours en avance, parfois chaussés de simples sneakers usés ou, pire encore, de Crocs de marché. Ils étaient les véritables héros de la montagne. Leur endurance, leur bonne humeur, leur humilité m’ont bouleversé plus d’une fois.
Les jours ont passé, chacun dessinant une transition vers un autre monde. De la forêt dense à la lande alpine, des rochers brûlés de soleil aux étendues lunaires. Chaque camp était un îlot posé sur la mer des nuages. Au deuxième et au troisième jour, j’ai perdu l’appétit. Pas de nausée ni de maux de tête, mais une étrange neutralité face aux repas préparés avec soin par notre cuisinier. Les guides veillaient, attentifs à chaque geste, à chaque silence. « Mange un peu, même juste pour l’énergie », disait l’un d’eux, me servant une soupe chaude. Leur vigilance était constante, sans jamais être pesante.
L’effort était bien dosé. Le rythme imposé par mes guides, toujours dans ce mantra tanzanien « pole pole », lentement, m’a permis de m’acclimater sans heurts. Je voyais d’autres groupes se presser, surestimer leurs forces. Certains n’ont pas eu cette chance. À partir du quatrième jour, nous avons vu les premiers symptômes sévères du mal aigu des montagnes. Des randonneurs vacillants, désorientés, haletants. Un matin, alors que nous quittions le camp, un hélicoptère a surgi dans le ciel bleu pour évacuer une trekkeuse américaine. Silence dans le campement. La montagne ne pardonne pas.
Mais la beauté, elle, pardonne tout. Les couchers de soleil incendiaient l’horizon. Les silhouettes noires du Mawenzi et du Shira découpaient le ciel étoilé. Les soirs étaient froids mais lumineux, remplis d’éclats de rire venus des tentes voisines. À chaque étape, je rencontrais d’autres marcheurs : des Norvégiens réservés, des Australiens exubérants, des Japonais d’une rigueur émouvante, des Américains bavards et bien équipés. L’humanité entière semblait converger vers cette montagne.
Puis vint le dernier camp : Barafu. Là où tout se joue. Là où l’on ne dort pas vraiment, où l’on attend dans une semi-torpeur l’heure du summit push. 23h30. Le vent mordait, le sol gelait sous mes pas, les lampes frontales s’allumaient comme une procession de lucioles montant vers les étoiles. L’ascension finale fut une épreuve. Physique, évidemment — chaque pas réclamait un effort surhumain — mais surtout morale. Le manque d’oxygène ralentissait la pensée. Mes jambes devenaient étrangères, ma respiration rauque, mon esprit embué.
Mais jamais je n’ai été seul. Mon guide était là, marchant juste devant moi. « Tu es fort, tu y es presque », murmurait-il comme un mantra. Les porteurs, eux, étaient restés au camp. Mais leur présence m’accompagnait. Ils m’avaient hissé jusqu’ici, jour après jour.
Et soudain, l’aurore. Le ciel est passé du noir au bleu acier, puis à l’orange incandescent. Le panneau Uhuru Peak – 5895 m est apparu comme un mirage. Je me suis effondré, non de fatigue, mais d’émotion. Larmes gelées sur les joues, souffle court, cœur immense. J’étais sur le toit de l’Afrique.
J’avais perdu quatre kilos, mais gagné un trésor invisible. J’étais allé au bout de moi-même. Et je savais que sans ces hommes, leurs charges démesurées, leurs pas sûrs malgré les Crocs, leur gentillesse sans limite, je n’y serais jamais parvenu.
Le Kilimandjaro est une montagne que l’on grimpe avec ses jambes, certes. Mais c’est surtout une montagne que l’on gravit grâce aux épaules des autres.